Programme | EFA, EFR, IFAO
L’historiographie du monde musical antique est fragmentée. La compréhension est parfois difficile entre musicologues, archéologues, archéo-musicologues, ethnomusicologues et historiens des sociétés anciennes, spécialistes que leurs connaissances techniques et chronologiques séparent autant qu’elles les rassemblent. Un colloque, récemment publié aux presses de l’Ifao, consacré au Statut du musicien dans la Méditerranée ancienne: Égypte, Mésopotamie, Grèce, Rome (BiEtud 159, 2013), a cependant montré l’intérêt d’un dialogue entre les différents chercheurs, ainsi que d’une perspective diachronique ample.
L’ambition de ce programme est double. Il s’agit d’une part de développer le dialogue entre spécialistes de différentes cultures de l’Antiquité autour d’un thème commun, celui de la perception du son, de sa production et de son usage dans les sociétés anciennes. D’autre part, il vise à engager des réflexions méthodologiques à partir de terrains plus récents, étudiés par des ethnomusicologues. Ce programme s’inscrit, à ce titre, dans la continuité des travaux menés à l’Ifao de 2008 à 2011 sur la Musique égyptienne ancienne et sa postérité dans l’Égypte moderne.
L’historicité de la perception auditive est une donnée qui n’est aujourd’hui plus contestable : le son est un objet de culture et il est acquis qu’un groupe d’individus a un certain rapport au son, qui le distingue des autres. Étonnamment, les sources de l’Antiquité sur le son ont peu été interrogées dans une perspective anthropologique et jamais dans une optique comparative. Le renouveau ces dernières années des travaux en histoire ancienne dans le domaine de la musique rend possible une telle démarche qui demande le concours d’historiens, de philologues et d’archéologues capables d’interpréter les sources de l’Antiquité en fonction d’interrogations qui intéressent également l’ethnomusicologie.
La problématique retenue porte sur les éléments constitutifs du paysage sonore dans les espaces urbains de la Méditerranée ancienne. Les sonorités propres à une civilisation s’inscrivent dans une chaîne d’acteurs et de pratiques qui s’offrent comme autant de sujets pour notre étude. Par exemple, une prestation musicale ne naît pas au moment de sa performance: de l’artisan qui a réalisé l’instrument au public auquel sont destinées ses sonorités en passant par le musicien qui les produit, nombreux sont les individus, les gestes, les savoirs, qui permettent son aboutissement et ce, aussi bien dans l’Égypte pharaonique, la Mésopotamie ancienne que dans la Grèce classique ou la Rome impériale. Ce sont ces femmes et ces hommes, les techniques qu'ils maîtrisaient et les lieux qu’ils occupaient qui sont au cœur de notre réflexion, l’ancrant ainsi au carrefour de l’histoire des techniques, de l'histoire de l'art, de l’histoire urbaine et de l’histoire sociale.
Trois angles d’approches sont privilégiés:
- La lexicographie: l’analyse du vocabulaire permet d’appréhender la manière dont les anciens percevaient et interprétaient les phénomènes sonores;
- La facture instrumentale: il s’agit de comprendre quelles étaient les connaissances techniques, d’identifier les matériaux utilisés et leurs provenances géographiques;
- Le son en contexte: l’objectif est de mener une réflexion de l’usage des sons dans la ville en privilégiant l’étude des espaces riches en évènements sonores ainsi que l’insertion des musiciens dans la topographie urbaine.
Une première table ronde internationale, en cours de publication, a été organisée à l’École française de Rome le 7 janvier 2013 sur «La notion de paysage sonore: bilan historiographique et perspectives pour l’étude des civilisations antiques». L’objectif de cette rencontre était d’engager une réflexion méthodologique sur l’usage de cette notion en sciences sociales. Elle a rassemblé anthropologues, musicologues, ethnomusicologues, historiens de toutes périodes, et spécialistes de littérature.
Une deuxième table ronde internationale, intitulée «De la cacophonie à la musique: la perception du son dans les sociétés anciennes» s'est tenue du 12 au 14 juin 2014 à l’École française d'Athènes.
Actions et publications prévues:
- échanges lors de trois journées d’études organisées chacune par l’une des 3 EFE partenaires;
- missions sur le terrain ou dans les musées pour étudier une documentation inédite (travail sur les realia, épigraphie, iconographie);
- constitution d’outils communs pour la recherche;
- réalisation d’une exposition consacrée à la musique dans l’Antiquité, suivie d’un colloque international.
Responsables du projet :
Sibylle Emerit (égyptologue, IFAO) ; Sylvain Perrot (helléniste, EFA) ; Alexandre Vincent (histoire romaine, EFR).
- Institut Français d'Archéologie Orientale (IFAO)
- École Française d’Athènes (EFA)
- École Française de Rome (EFR)
Institutions en collaboration :
- Deutsche Archäologische Institut (DAI)
- Musée du Louvre
- Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)
- Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM)